Apartés du Réel avec RCF

Avec Alizée Bingöllü


En partenariat avec RCF Lyon, rencontrez les artistes qui animent notre maison de création !

 

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Luc Hernandez
Bonsoir à toutes et à tous, je suis ravi de vous retrouver pour ce nouvel épisode d'Apartés du réel. L'émission qui mêle le théâtre avec la société qui nous entoure et nous allons parler à la radio ce soir de théâtre bilingue et de langue des signes avec Alizée Bingöllü. Bonsoir Alizée.

 

Alizée Bingöllü
Bonsoir.

 

Luc Hernandez
Merci beaucoup d'être avec nous pour parler de la Graine des Ziban. C'est votre spectacle au Théâtre du Point du Jour, enfin autour du Théâtre du Point du Jour car, c'est non seulement un spectacle bilingue en langue des signes, comme je le disais, mais aussi un spectacle itinérant qui va se jouer dans différents lycées, même un EHPAD, avec votre compagnie On Off et cette histoire de Graine des Ziban. J'aime beaucoup le titre, très enfantin et en même temps assez exotique, assez oriental. Et je crois que c'est d'abord l'histoire d'une femme qui est venue vous voir. C'est ça l'origine du spectacle ?

 

Alizée Bingöllü
Oui, alors l'origine du spectacle, c'est l'histoire de Salima Zerdoum, qui est une actrice sourde, qui a contacté la compagnie On Off pour parler de son histoire. Et de là, on a créé son spectacle Graine des Ziban.

 

Luc Hernandez
Et le titre Graine des Ziban, il vient d'elle ou il vient de vous ?

 

Alizée Bingöllü
Il vient de la compagnie On Off, c'est les membres de la compagnie On Off, à savoir Anthony Guyon et Pénélope Schulmann, qui m'ont passé commande d'un texte après la rencontre avec Salima Zerdoum et qui m'ont dit : Écoute, nous, on adore ce titre Graine des Ziban et j'ai dit banco.

 

Luc Hernandez
Et vous, vous avez conçu le texte aussi du spectacle ? Je sais que vous étiez metteuse en scène. J'ai appris que vous aviez fait le texte.

 

Alizée Bingöllü
Alors en fait, c'est un peu plus compliqué que ça parce qu'en fait, on a fait une première rencontre avec Salima où je l'ai un peu questionné sur son histoire parce qu'elle avait écrit un premier texte. Et puis de là, j'ai proposé une version de texte qu'on a encore remodifiée. On a, on a tout trifouiller. Parce que s'il faut savoir qu'avec la LSF, il y a forcément une adaptation. Donc au final, le texte, il est un peu collectif.

 

Luc Hernandez
Oui, c'est un vrai travail bilingue ?

 

Alizée Bingöllü
Tout à fait.

 

Luc Hernandez
Et par contre, l'histoire de Salima au départ, c'est qu'elle s'appelait aussi Sabine.

 

Alizée Bingöllü
Exactement.

 

Luc Hernandez
C'est bilingue aussi dans le prénom.

 

Alizée Bingöllü
Oui, aussi. Et d'ailleurs, je dirais même que c'est un spectacle trilingue. Parce que donc il y a du français, de la langue des signes. Et il y a aussi de l'arabe sur le plateau. Mais on y reviendra. Et oui, donc, c'est l'histoire de cette petite Sabine qui, à neuf ans, découvre qu'en fait elle s'appelle Salima et qu'elle est arabe.

 

Luc Hernandez
Comment elle fait cette découverte ?

 

Alizée Bingöllü
Alors là, je vais tout vous révéler du spectacle. Eh bien, elle est dans le bureau de son internat et elle ouvre un dossier. Et là, elle voit qu'elle est née à Biskra en Algérie. Et elle ne le savait absolument pas puisque c'était un secret bien gardé par sa maman qui pensait qu'elle ne saurait jamais la vérité comme elle est sourde.

 

Luc Hernandez
Donc c'est un secret de famille, on est vraiment dans l'enfance. C'est vraiment un très bon titre pour un spectacle enfantin.

 

Alizée Bingöllü
Ben oui, c'est ça qu'on aimait bien. C'est que à la fois, c'est très enfantin et à la fois on entend quand même le mot reine aussi, la reine des Ziban. Et c'est un petit peu le parcours qu'on essayait de faire à travers ce spectacle. C'est comment d'une petite découverte on en fait le point central d'une grande histoire.

 

Luc Hernandez
Et c'est donc une petite fille de neuf ans qui se découvre arabe et le spectacle va jusqu'où dans l'âge ?

 

Alizée Bingöllü
Alors le spectacle est surtout concentré sur cette partie de l'enfance puisque dans le récit de Salima, c'est là ou il se passait le plus de choses finalement. Parce que du coup, elle part en Algérie. Ensuite, elle découvre sa famille là bas. Le spectacle part vraiment de sa naissance à Neuilly-sur-Seine et jusqu'à sa découverte à neuf ans et puis après, jusqu'au désert. Où là ensuite, elle a quand même des visions sur son futur. Et c'est la fin du spectacle.

 

Luc Hernandez
Donc ça on racontera moins. Mais Ziban, c'est un oasis du Sahara ? C'est localisé ?

 

Alizée Bingöllü
Oui, c'est une région qui regroupe plusieurs oasis autour de la ville de Biskra en Algérie.

 

Luc Hernandez
Et donc vous êtes allés là bas pour les besoins du spectacle. Comment se fait le voyage à l'intérieur du spectacle alors ?

 

Alizée Bingöllü
Non, on n'a pas pu, parce que figurez vous que ce spectacle s'est créé en plein COVID. Car ça fait à peu près deux ans, je crois, qu'on est dessus, entre l'écriture, les répétitions. Et on avait l'intention justement de tourner beaucoup d'images là bas. Et en fait, au final, on n'y est pas allé. Mais il y a quand même une poésie du désert, de toutes les images portées par le mot Biskra même, qui est présente dans le spectacle. Et puis il y a beaucoup d'images de Salima, de sa vie, de ses photos de famille. Donc on s'est surtout appuyé là dessus.

 

Luc Hernandez
Je vous demandais ça Alizée parce que j'ai vu qu'il y avait une création visuelle à l'intérieur de votre spectacle. Donc c'est surtout des images d'archives de famille ou c'est aussi des images que vous avez pu faire avec elle. Visuellement, quelle est un peu la scénographie ?

 

Alizée Bingöllü
Visuellement, c'est surtout des photos de famille qui sont réutilisées, projetées sur différents supports. À un moment, il y a une porte qui se lève. On voit Salima qui rentre dans son appartement de Neuilly-sur-Seine. En fait, c'est la première chose qu'elle m'a confiée : toutes ces photos. Donc je trouvais que c'était important qu'elle ait une place dans le spectacle.
Et puis après, bien sûr qu'on a tourné d'autres vidéos. Par exemple, une vidéo du cauchemar. Parce que que Salima nous parlait d'un cauchemar qu'elle avait très récurrent dans son enfance. Et on a filmé Salima en imitant ce cauchemar. Et ça, c'est une image qui revient souvent. Et puis, sinon, il y a aussi des routes de Biskra, des nuages... C'est plutôt un univers poétique, en tout cas porté par ces images.

 

Luc Hernandez
Et de temps en temps, dans sa psychée, dans ses rêves et dans ses cauchemars.

 

Alizée Bingöllü
Exactement.

 

Luc Hernandez
Et c'est un spectacle que vous n'auriez pas pu faire sans que ce soit elle qui l'incarne. Vous avez imaginé un instant que ça puisse être une autre comédienne ?

 

Alizée Bingöllü
Clairement, le parti pris, c'était que ce soit son histoire et joué par elle. Et c'est ça qui est fort, parce que c'est quand même une femme sourde qui porte son histoire sur scène et c'est aussi politique qu'elle joue ça elle-même. Et puis, c'est aussi donner la voix à des personnes qu'on n'entend pas forcément souvent.

 

Luc Hernandez
Oui, alors on va bien sûr parler de tout ce travail bilingue que vous faites. Je me souviens à la Comédie de Valence d'avoir vu un spectacle dans une - je vais utiliser un très mauvais mot - représentation "normale" avec une traduction en langue des signes. Mais c'est relativement rare pour nous, spectateurs traditionnels, trop traditionnels sans doute. Est-ce que vous qui avez plus l'habitude, c'est quelque chose que vous voyez davantage éclore au théâtre aujourd'hui, ces spectacles bilingues LSF ?

 

Alizée Bingöllü
Oui. Avant, je travaillais au Nouveau Théâtre du Huitième, qui avait un festival qui s'appelait Regards d'avril et qui était spécifiquement sur la langue des signes. Mais c'est vrai que les créations bilingues, c'est vraiment rare et c'est plutôt, comme vous le dites, des adaptations où il y a des traductions. Mais là, c'est vraiment comment on confronte aussi les deux langues. Parce que c'est deux langues qui ont vraiment une autonomie différente et et des besoins différents, aussi, au théâtre. Que j'ai découvert par ailleurs, parce que moi, c'était ma première mise en scène en langue des signes française, comme en mise en scène d'ailleurs.

 

Luc Hernandez
Avec Anthony Guyon, qui dirige la compagnie On Off avec vous ?

 

Alizée Bingöllü
Non, moi je ne dirige pas la compagnie. C'est une commande qu'on m'a faite, de texte mais aussi de mise en scène. Et c'était très important qu'on soit tous les deux parce qu'on avait tous les deux des compétences différentes. Donc Anthony, bien sûr que il a beaucoup plus guidé Salima dans la LSF, puisque moi je ne ne maitrise pas du tout la langue des signes. Moi je dirais que j'étais plus sur le côté esthétique, mise en scène, mise en place des choses.

 

Luc Hernandez
Mais par contre, justement, dans votre mise en scène, vous partez d'abord de Salima, de sa gestuelle à elle, de son incarnation à elle, pour votre mise en scène. C'est assez inversé par rapport à l'exemple que je citais où on traduit en langue des signes un spectacle qui est déjà organisé. Et là j'imagine que ça change beaucoup de choses dans le rapport à la scène, dans le rapport à l'incarnation.

 

Alizée Bingöllü
Bien sûr. Parce que, par exemple, c'est vrai que, au théâtre, vous pouvez jouer caché et on vous entend. En LSF, il faut tout le temps vous voir, par exemple. Ça, c'est un point très, très important. Et Salima est vraiment centrale et la langue des signes est vraiment centrale. Et on a travaillé avec Marie Lamothe qui est spécialiste sur les deux langues. L'équilibre entre les deux langues sur comment on traduit Salima, comment la voix a un rôle aussi. Et petit à petit, le rôle de cette voix, qui parle pour Salima, évolue dans le spectacle.

 

Luc Hernandez
Et donc cette voix peut être la voix d'un homme ?

 

Alizée Bingöllü
Non.

 

Luc Hernandez
Est-ce que c'est la voix d'une femme plutôt jeune puisque c'est un souvenir d'enfance ou pas spécialement ?

 

Alizée Bingöllü
Là, c'est la voix de Géraldine Berger. Qui est fabuleuse. Et qui, elle, parle la langue des signes française. Donc c'était beaucoup plus simple de faire comme ça.

 

Luc Hernandez
Et j'imagine qu'il y a aussi pour elle un travail d'interprétation, comme dans toutes les traductions, a fortiori au théâtre.

 

Alizée Bingöllü
Oui, bien sûr, et là, on est sur toute la finesse, justement, des deux langues. Parce que, en effet, donc, au début du spectacle, Géraldine, elle est plutôt "je". Et petit à petit, ça évolue. On passe au "tu" et puis après, elle devient vraiment un personnage. Donc, on peut vraiment parler de trois femmes sur scène.

 

Luc Hernandez
Et vous dans le texte Alizée. Vous êtes évidemment en partie de l'incarnation, comme vous le disiez, de Salima. Mais comment se passe la construction d'un texte dramatique à partir d'une histoire vraie et la réalité d'un corps qui l'incarne ?

 

Alizée Bingöllü
Eh bien, ça a été plein de rebondissements. Parce que, figurez vous, je suis arrivée avec un texte que j'avais construit, qui me semblait cohérent, dramaturgiquement. Et puis c'est vrai qu'au fur et à mesure des répétitions, Salima ne voulait plus raconter certaines choses. C'est quand même une histoire douloureuse aussi, pleine de secrets. Et puis il y a son rapport à sa mère, qui est très conflictuel. Du coup, il y avait des choses qu'on enlevait parce que c'était trop pour elle de jouer ça, elle-même en plus, sur scène. Donc moi je m'adaptais à chaque fois. Et puis là, par exemple, la fin a encore changé il y a deux jours. Parce qu'il y avait des éléments de son histoire plus actuelle que Salima ne voulait plus mettre.Donc, à chaque fois, c'est des réajustements faits. Et puis, même à une répétition, Salima nous a amené un petit carnet secret de son enfance où il y avait plein de poèmes magnifiques. Et je lui ai dit : "Mais Salima, tu sais qu'on aurait pu construire le spectacle à partir de ça". Sauf que c'était presque la fin des répétitions, donc on a essayé de réintégrer ce petit carnet dans la mise en scène, mais c'est en perpétuelle évolution.

 

Luc Hernandez
En donc peut être que d'ici le 13 décembre, la première, non pas au Point du Jour mais à Notre-Dame des Minimes, vous allez encore faire des petits ajustements.

 

Alizée Bingöllü
Mais bien sûr, on est au présent, tout le temps.

 

Luc Hernandez
Mais il y a quelque chose qui ne change pas, c'est qu'on part quand même bien avec vous pour la Graine des Ziban au Sahara. Et pour illustrer le Sahara, j'ai une musique de Brigitte Fontaine qui s'appelle "Caravane" et qui nous en aime dans le désert.

 

Alizée Bingöllü
J'adore !

 

♫ Caravane - Brigitte Fontaine ♫

 

Luc Hernandez
C'était Brigitte Fontaine et Areski Belkacem qui nous emmenaient dans le Sahara pour les Ziban, pour la Graine des Ziban avec mon invitée Alizée Bingöllü. Vous faites donc ce spectacle au Théâtre du Point de Jour, ou plutôt dans le cinquième arrondissement, du 13 au 16 décembre. À Notre Dame des Minimes, au lycée Don Bosco et à l'EHPAD La Roseraie aussi. Il y a d'ailleurs des séances scolaires mais sinon, c'est à 20h. Donc c'est un spectacle bilingue, Alizée, c'est aussi un spectacle itinérant, nomade. Ça, c'est aussi une première pour vous ou c'est quelque chose que vous aimez faire ? D'aller sur scène ailleurs qu'au théâtre ?

 

Alizée Bingöllü
C'est quelque chose que j'adore dans l'idée, mais je n'avais jamais fait de mise en scène nomade. Après, pour un spectacle qui parle du désert, je trouvais que c'était plutôt bienvenue. Et les formes nomades, ça implique une scénographie plutôt adaptable au lieu. Et là, la particularité, c'est aussi qu'il y a de la vidéo. Donc on est obligé quand même d'avoir un noir complet. Mais en tout cas, aller voir le public et surtout avec un spectacle qui parle d'une actrice sourde de son histoire, qui en langue des signes française, qui du coup fait connaître cette langue magnifique au plus grand monde possible, je trouve que c'est beau.

 

Luc Hernandez
Et au Théâtre du Point du jour, vous êtes la bienvenue pour faire du théâtre nomade. Et c'est aussi ça les apartés du réel, c'est d'amener le théâtre à l'intérieur de la réalité. Est-ce que c'est particulièrement difficile de mettre en scène un personnage, si ce n'est seul, en tout cas central ? J'ai toujours eu l'impression qu'un seul en scène, c'était plus dur à mettre en scène que plusieurs personnages qui échangent. Est-ce que vous me le confirmer ?

 

Alizée Bingöllü
Je sais pas si c'est plus difficile. En tout cas, pour l'actrice, il faut avoir des sacrées épaules, ça c'est sûr. Mais là, ce qui est spécifique un peu ici, c'est que finalement, c'est pas tellement un solo. Puisque Salima, donc, elle est accompagnée par Géraldine Berger, qui donc parle la LSF aussi, mais qui là ne signe pas mais elle est la voix de Salima. Et elle est aussi accompagnée par une musicienne, Chems Amrouche, et c'est ce qui fait de ce spectacle un vrai spectacle bilingue. C'est que c'est à la fois pour les entendants et à la fois pour les sourds.

 

Luc Hernandez
Et qu'est ce qu'elle joue comme musique ?

 

Alizée Bingöllü
Alors Chems elle joue de la musique algérienne. Elle a fait un très bel album qui s'appelle Boqala. C'est une chanteuse exceptionnelle qui amène toute cette poésie de Biskra sur scène.

 

Luc Hernandez
Elle joue et elle chante.

 

Alizée Bingöllü
Oui, exactement, parce qu'en fait, au fur et à mesure de l'avancée de l'histoire, elle devient un personnage, tout comme la voix. Mais je ne peux pas vous en dire plus.

 

Luc Hernandez
Ça donne déjà très envie car on a l'impression d'assister à une véritable comédie musicale de poche. Il y a de la vidéo, il y a de la musique, il y a du chant et c'est bilingue. C'est vraiment un vrai spectacle total. Il est sous-titré "Fragments d'une histoire à recomposer". Vous nous le disiez un petit peu tout à l'heure que vous pouvez changer en fonction du ressenti de Salima par rapport à ce qu'elle a vécu, pour que cette transmission se passe le mieux possible sur scène. Mais comment on assemble des fragments, là aussi en mise en scène ? C'est comme un collage en peinture ? C'est un portrait en plusieurs éléments ? C'est un puzzle ? Comment vous le voyez ?

 

Alizée Bingöllü
Un petit peu. J'ai l'impression que là, on a travaillé un petit peu sous forme de vignettes aussi, et des vignettes beaucoup reliées aux photos. Puisque c'était le matériau qu'on avait à la base. En fonction de l'âge, on avance de vignettes en vignettes, il y a des vignettes qui reviennent . Il y a aussi un cache cache qui revient. C'est ça qui nous fait avancer dans l'histoire et et qui nous fait comprendre de plus en plus de choses sur la vie de Salima.

 

Luc Hernandez
Et Salima Zerdoum, quant elle est venue vous voir et vous a confié son histoire ou son texte, c'était déjà pour l'incarner elle même ? Est-ce qu'elle était déjà comédienne ? Est-ce qu'elle l'est devenue à ce moment là et comment elle a vécu tout ce parcours que vous lui avez fait faire sur scène ?

 

Alizée Bingöllü
Eh bien, je crois que oui. Elle voulait vraiment l'interpréter elle même. Elle avait même proposer une petite forme théâtrale à la compagnie On Off. Et la compagnie voulait plus professionnaliser le spectacle. Et c'est vrai que là, pendant les répétitions, parfois, Salima se décourageait parce que c'est énorme. Et puis en langue des signes française il faut vraiment être dans l'espace pour se souvenir de ce qu'on dit. J'ai l'impression que les contraintes pour une actrice. Les enjeux sont beaucoup plus forts et plein de fois elle a dit "Mais non, remplacez moi". Et nous on disait "Mais non Salima, c'est ton histoire et c'est courageux de la porter. C'est important aussi que d'autres femmes sourdes l'entendent et d'autres femmes en général d'ailleurs." Donc on l'a poussé, on la pousse et maintenant elle est prête.

 

Luc Hernandez
C'est d'autant plus beau et ça devait être d'autant plus difficile que ça a commencé pendant le Covid. Je ne sais pas d'ailleurs si vous avez pu le jouer déjà ou pas du tout.

 

Alizée Bingöllü
Non, non, là, ça va être la toute première fois.

 

Luc Hernandez
Pour elle, ça devait être encore plus difficile de répéter aussi longtemps sans connaître ce moment partagé de l'espace.

 

Alizée Bingöllü
Après, on a eu des petites ouvertures publiques, mais c'était plutôt à des professionnels. Et à chaque fois, elle assure comme une bête. C'est ça, elle est incroyable Salima.

 

Luc Hernandez
Alors, vous aussi, Alizée, vous assurer comme une bête. On le disait, c'est un spectacle vraiment, vraiment total et très original. Et dans votre parcours, j'ai vu que vous avez commencé dans le compagnonnage théâtral, ce qui est une façon particulière de rentrer dans le théâtre. Et je voulais que vous nous racontiez cette venue au théâtre de votre part par le compagnonnage ?

 

Alizée Bingöllü
Le compagnonnage, c'est bien, c'est vraiment fabuleux. C'est comment on est complètement plongé dans le métier de comédien et de comédienne, parce que on fait des spectacles et en même temps, on est en formation pendant deux ans. C'est ça le compagnonnage. On est un groupe de 10 à 14 acteurs. Et pour moi, c'est la meilleure façon d'apprendre le théâtre parce qu'il n'y a qu'en faisant qu'on apprend ce métier. Et il n'y a qu'en testant sa capacité à s'adapter aussi aux metteurs en scène.

 

Luc Hernandez
Vous avez que vous avez connu des formes peut-être plus diversifiées et plus originales par le compagnonnage. Vous avez commencé comme actrice ou comme metteuse en scène ?

 

Alizée Bingöllü
Je suis vraiment comédienne. Je me sens profondément comédienne. La mise en scène, elle est venue petit à petit parce que j'ai mis en scène un spectacle sur mes origines turques et c'est d'ailleurs suite à ce spectacle qu'on m'a passé commande pour Graine des Ziban.

 

Luc Hernandez
Et là, vous allez continuer ensuite dans votre parcours de comédienne ou de metteuse en scène dans les mois qui suivent ?

 

Alizée Bingöllü
Un petit peu tout. Je jongle avec tout. Je suis chanteuse aussi par ailleurs. Pour le prochain spectacle, qu'est ce que je vais faire maintenant ? Je vais plutôt être comédienne et je vais faire une mise en scène de comédie musicale.

 

Luc Hernandez
Et c'est quoi ce projet ?

 

Alizée Bingöllü
C'est un spectacle qui va s'appeler Des Vagues. Sur l'intergénérationnel plutôt, le rapport à la vieillesse, en chantant.

 

Luc Hernandez
Et alors là, avec beaucoup de gens ?

 

Alizée Bingöllü
Oui, il y aura beaucoup plus de monde. Il y aura 7 comédiens au plateau.

 

Luc Hernandez
Et c'est vous qui écrivez le texte aussi ?

 

Alizée Bingöllü
Oui, aussi.

 

Luc Hernandez
C'est extraordinaire, vous reviendrez nous en parler. En attendant, en vous remerciant beaucoup Alizée Bingöllü, de nous faire entrer dans ce spectacle si original. En attendant la Graine des Ziban, c'est donc à partir du mardi 13 décembre à Notre-Dame des Minimes, au lycée Don Bosco et à l'Ehpad de la Roseraie, jusqu'au 16 décembre.Toute la semaine prochaine, on peut découvrir ce portrait de femme très, très particulier de Salima Zerdoum. On va se quitter avec une musique que j'aime beaucoup, d'un compositeur qui s'appelle Camille Rocailleux, qui avait composé pour le film de Gaël Morel avec Sandrine Bonnaire qui s'appelait Prendre le large. C'est un petit peu comme vous, parce que le personnage de Sandrine Bonnaire dans le film choisissait de partir en Algérie à l'occasion d'un plan social. Et on se quitte avec cette très belle musique pour nous emmener de l'autre côté de la mer et donc au théâtre du Point du Jour à partir de la semaine prochaine. Merci beaucoup Alizée.

 

Alizée Bingöllü
Merci à vous.

 

Luc Hernandez
Très belle fin de soirée à toutes et à tous.