« Une scénographie blanche de Gilles Aillaud pour un spectacle de Klaus Michael Grüber m’a toujours beaucoup impressionnée : celle de la pièce d’Anton Tchekhov Sur la Grand-route. Au loin, une estrade peu profonde sur laquelle des personnes entassées attendent.
Lorsque Benoît Lambert m’a proposé de diriger un atelier avec la promotion 32 de L’École de la Comédie, j’ai regardé cette image… elle s’est transformée en une sorte d’abri dans lequel des civils se réfugient quand les sirènes anti-aériennes retentissent. Et puis c’est l’attente, la nuit, l’orage, les bombardements, la guerre, rien. J’ai pensé des fragments de guerre en littérature. J’ai pensé la guerre en marionnettes. J’ai pensé : « la guerre met tout sens dessus-dessous, dehors tout ce qui est dedans, le sang, les larmes, les poussières de béton, le diable… »
J’ai relu cette esquisse dramatique de Tchekhov, un auteur russe. En Ukraine aujourd’hui, certains auteurs russes sont descendus dans les réserves des bibliothèques, jusqu’à nouvel ordre interdits. Il y a des raisons à cela et des sentiments coincés dedans. La guerre aussi est dans la culture, car la culture aussi fait la guerre. Alors, à partir de l’esquisse de Tchekhov, j’ai écrit – et à partir de cet espace- une autre nuit. »
Sylvain Creuzevault